La lutte contre le changement climatique est pour M. Dantec et son parti, EELV, Europe Ecologie Les Verts, un enjeu d'avenir. Vice président de Nantes Métropole, et des CGLU (Cités et Gouvernements locaux unis) dont il est le porte parole aux négociations internationales sur le climat, il a mis en évidence le rôle des collectivités territoriales au sein du Forum Enerpresse de Dauville.
Pour lui cette lutte doit être le fruit d'un soutien financier de l'Etat dans un cadre réglementaire et législatif approprié.
Selon lui, les politiques doivent se répartir entre échelon internationnal et le plus petit échelon par une coopération entre tous les niveaux. "Cela n’a pas de sens d’opposer agglomération, région, Etat, Europe… C’est l’articulation de tous ces niveaux qui permet de mener des politiques efficaces. L’agglomération – qu’il s’agisse de grandes villes ou de villes moyennes, mais aussi le pays rural – n’en demeure pas moins un espace particulièrement pertinent. Car c’est celui dans lequel les gens vivent au quotidien. J’aime parler de bassin de vie."
"Or, une bonne part des émissions de gaz à effet de serre (GES) sont liées à la vie quotidienne. C’est donc là que se posent les problématiques de transport, d’aménagement du territoire et d’urbanisme, mais aussi le nucléaire, aussi faut-il trouver des énergies alternatives comme le solaire, le marin ou l'éolien.
Toute politique menée à Nantes Métropole est évaluée en termes d’impact CO2 par l'intermédaire d'experts.
Que cela signifie concrètement ?
Engager une politique publique est prise en compte des GES. Le développement d'un nouveau système de transport public -tel que le chronobus -, on étudie les gains potentiels en CO2 ; construire un nouveau bâtiment signifie étudier la consommation de celui-ci, changer le process de l'assainissement a pour corrolaire de s'interroger sur les conséquences des émissions de CO2. En d'autres termes, chaque porteur de projet de marché public est invité à évaluer l'impact de l'action publique dont il a la charge en terme de bilan CO2.
Mais parfois il y an un gouffre entre l'évaluation du marché permettant de réduire les GES et son coût. Il est nécessaire d'obtenir un soutien financier important. Actuellement la communauté d'agglomération nantaise ponctionne sur son budget général, mais M. Dantec estime cela insuffisant. Pour passer au stade supérieur, c'est à dire réduire massivement les GES, il faut à la collectivité de nouvelles recettes. "On doit ainsi inventer un financement direct du CO2 économisé. Trouver un mécanisme, à l’échelle nationale ou européenne, faisant en sorte que les collectivités qui voient leurs émissions de CO2 diminuer soient récompensées en recevant un chèque correspondant à leur effort mesuré. C’est l’idée d’un fonds climat territorial européen qui pourrait être abondé par une part de la recette de la future mise aux enchères des émissions des entreprises dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission de GES – Emissions trading system (ETS). Cet argent issu des quotas, fruit d’une décision européenne dans le cadre du Paquet Energie-Climat, va dans les caisses des Etats membres.
REVENDICATION SUR LE PAQUET ENERGIE-CLIMAT issu des QUOTAS d'émission de GES
Or, l’idée était que 50% de la recette soit affectée à la lutte contre le changement climatique. Les collectivités, qui réalisent une part importante de ce travail, jugent normal qu’une partie leur soit affectée, à titre de récompense de leurs efforts. C’est en cours de discussion avec l’Etat français et en particulier Bercy qui, voyant arriver une nouvelle recette alors que l’état des finances publiques est mauvais, a tendance à vouloir naturellement la garder… Alors, il va y avoir négociation. Pour les collectivités locales, cela pourrait représenter, dans un premier temps, 400 à 500 millions d’euros par an. M. Dantec et la communauté d'agglomération nantaise propose que l’affectation se fasse sur la base d’émissions mesurées. L’argent allant à ceux qui agissent, ce serait aussi pour l’Etat un levier d’incitation important.
D'autres pistes de financement des projets, et donc de recettes pour les collectivités :
l’Etat doit aussi mettre en place un cadre nous permettant d’avancer sur ce terrain de la réduction des émissions de GES. Ainsi, en matière d’urbanisme, M. Dantec estime ne pas disposer des outils nécessaires. Par exemple en Espagne, l’Ordonnance solaire de Barcelone a permis de développer massivement le solaire thermique. Ce ne serait pas possible en France en l’état actuel du Code de l’urbanisme.
Nous avons donc besoin d’outils législatifs et réglementaires nouveaux pour renforcer notre capacité d’action. Dans ma région, on a fait le choix d’un très grand Schéma de cohérence territoriale (SCOT) à l’échelle de Nantes et St-Nazaire : il chapeaute tout l’estuaire et toute la métropole, ce qui doit nous permettre de fournir de l’ingénierie aux petites intercommunalités. Mais le SCOT est insuffisamment contraignant, notamment en matière de lutte contre l’étalement urbain. Il faudrait des outils plus coercitifs. On l’avait proposé dans le cadre du Grenelle et ça n’avait pas été retenu.
A terme, les Plans Climat-Energie territoriaux (PCET) et les Schémas régionaux du Climat, de l’Air et de l’Energie (SRCAE) devraient être prescriptifs sur les SCOT. Et les SCOT, prescriptifs sur les Plans locaux d’urbanisme (PLU). Car il nous manque un outil législatif opérationnel d’urbanisme véritablement efficient pour lutter contre l’étalement urbain. Or, l’étalement urbain, c’est, en termes d’émission de CO2 et de consommation d’espace, une vraie catastrophe.
« environnement » et « énergie »…
L’enjeu aujourd’hui est de réduire les émissions de GES, c’est là qu’est la crise majeure des trente prochaines années. Et le CO2 ne se réduit pas à une approche énergétique. L’approche climatique est à envisager à travers toutes les politiques publiques et le local doit prendre sa place. Les collectivités françaises sont en retard sur leurs homologues scandinaves ou allemandes. Mais l’écart se réduit. Certaines – Paris, Lyon, Lille, Nantes – ont ainsi déjà bien compris l’utilité d’une approche intégrée de la question environnementale, qui n’est alors plus considérée comme une politique à part. Et la clé est là : l’ensemble des politiques publiques au service d’une ville durable.
La capitale verte de l’Europe en 2013 sera une ville française : Nantes. Ce n‘est pas un prix purement politique où l’Europe équilibrerait les lauréates entre les pays. C’est d’abord la récompense d’une expertise.
Intégralité de l'interview disponible ici, sur la gazette des communes.