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1 août 2011 1 01 /08 /août /2011 05:13

Collectivités territoriales : perspectives et enjeux de la loi du 16 décembre 2010

 

La loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales représente l’aboutissement du chantier prioritaire lancé en 2008 par le chef de l’Etat. Le projet de réforme a fait l’objet de nombreux aménagements, mais la loi n’a pas apaisé les craintes des élus locaux.

La publication de la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales représente l’aboutissement du processus de réflexion lancé en 2008, avec la constitution du Comité Balladur (Comité pour la réforme des collectivités locales), et qualifié de chantier prioritaire par le président de la République.

Ce processus visait la simplification des structures territoriales (communes, intercommunalités, départements, régions), la réduction du nombre d’échelons territoriaux, la clarification des compétences et des financements.

L’adoption du projet de réforme, qui a fait l’objet de nombreux aménagements, n’a cependant pas apaisé les inquiétudes des élus locaux, eu égard aux questions laissées en suspens par la loi (compétences et ressources).

De nouvelles institutions

La loi modifie en profondeur l’architecture institutionnelle locale, tout en maintenant l’existence de la région et du département.

Elle prévoit notamment le remplacement des conseillers généraux et des conseillers régionaux par un nouveau type d’élu local : le conseiller territorial. Siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional, il sera élu pour 6 ans au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, dans le cadre de cantons redécoupés. Cette disposition doit permettre de réduire le nombre d’élus, en vue de dégager des économies et de renforcer le poids de l’élu local.

Dans un souci de renforcement de compétitivité des grandes agglomérations, les départements ou régions pourront fusionner. Cela ne sera cependant possible qu’avec l’accord de toutes les assemblées concernées et de la population consultée par référendum. Une nouvelle catégorie d’établissements publics de coopération intercommunale est par ailleurs créée : la métropole. Destinée aux zones urbaines atteignant 500 000 habitants (à l’exception de l’Ile-de-France), elle a vocation à se substituer aux collectivités préexistantes sur son territoire (communes, communautés et conseil général). Les EPCI, établissement public de coopération intercommunale de plus de 300 000 habitants auront également la possibilité d’évoluer, toujours sur la base du volontariat, en pôles métropolitains.

Afin que l’ensemble du territoire soit couvert par des structures intercommunales avant le mois de juin 2013, la loi prévoit notamment un nouveau dispositif pour faciliter la fusion entre plusieurs communes : “les communes nouvelles”. La création d’une nouvelle commune sera autorisée à la condition que cette demande émane d’au moins les 2/3 des conseils municipaux des communes d’un même établissement public de coopération intercommunale (EPCI), ces conseils municipaux doivent en outre représenter plus des 2/3 de la population totale.

La loi maintient l’existence des départements et des régions, mais elle prévoit la spécialisation de leurs compétences.

Ainsi, à partir du 1er janvier 2015, les départements et régions ne disposeront plus de la clause de compétences générale. Ils seront dotés de “compétences exclusives”, compétences qui ne pourront être exercées par un autre niveau de collectivité. A partir de cette date, aucun projet communal ou intercommunal ne pourra bénéficier du cumul des subventions départementales et régionales si les conseillers territoriaux n’ont pas adopté “un schéma d’organisation des compétences et de mutualisation des services”. Ce schéma est destiné à fixer, entre la région et les départements qui la composent, les délégations de compétences, ainsi que l’organisation de leurs interventions financières. L’interdiction ne s’appliquera cependant pas aux domaines du sport, du tourisme et de la culture.

Les prolongements immédiats

Bien qu’elles ne soient pas d’application immédiate, la refonte de la carte de l’intercommunalité. (en 2013) et l’élection des conseillers territoriaux (en 2014), impliquent que des choix soient opérés dès 2011.

Concernant la refonte de l’intercommunalité, l’année 2011 sera déterminante. Le 22 décembre 2010, le ministre en charge des collectivités territoriales, Paul Richert, a rappelé les objectifs visés par la loi en ce domaine : le rattachement des dernières communes isolées, la rationalisation du périmètre des EPCI existants et la suppression des syndicats intercommunaux devenus obsolètes. A cet effet, un schéma départemental de coopération intercommunale devra être élaboré avant le 31 décembre 2011 par le préfet, en concertation avec les collectivités concernées (communes et leurs groupements) et les nouvelles Commissions départementales de coopération intercommunale (composées d’élus locaux et de représentants d’EPCI) qui devront être installées au cours du premier trimestre 2011. La mise en oeuvre du schéma débutera dès sa publication par le préfet, elle devra être achevée avant le 1er juin 2013, date à laquelle tout le territoire national doit être couvert par des « intercommunalités plus cohérentes ».

Concernant les conseillers territoriaux, la loi du 16 février 2010 a déjà organisé la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux en mars 2014. Elle a fixé à 4 ans le mandat des conseillers régionaux qui seront élus les 14 et 21 mars 2010 et à 3 ans celui des conseillers généraux qui seront élus les 20 et 27 mars 2011. En conséquence, les conseillers territoriaux seront élus pour la première fois en 2014.

D’ici là, il reste à définir le nombre et la répartition des sièges de ces élus. En effet, le projet de loi. avait fixé le nombre total des conseillers territoriaux à 3 496 (contre 4 182 conseillers généraux et 1 880 conseillers régionaux actuellement), mais le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 décembre 2010, a censuré le tableau fixant la répartition géographique des sièges des conseillers territoriaux prévue par le projet de loi. Le Conseil a en effet constaté que « six départements présentaient des écarts de plus de 20% à la moyenne régionale quant à leur nombre de conseillers territoriaux rapportés à la population du département » : la Meuse, le Cantal, l’Aude, la Haute-Garonne, la Mayenne et la Savoie. Un nouveau tableau de répartition devrait être intégré par le gouvernement. au projet de loi sur les conseillers territoriaux (texte présenté en Conseil des ministres. le 21 octobre 2009), dont l’examen est prévu pour le premier semestre 2011.

Les réactions suscitées

La question de la création des conseillers territoriaux et celle de la refonte de l’intercommunalité ont été largement débattues au cours de l’examen du projet de loi. D’autres questions, relatives aux compétences et ressources des collectivités territoriales, demeurent en suspens, en dépit de l’adoption de la loi.

Le mandat de conseiller territorial concentre en lui-même plusieurs motifs de rejet. Pour certains élus de gauche, cette création constitue en fait « le moyen de reprendre le contrôle de territoires qui ne pouvaient être gagnés par la droite via le suffrage universel. ». D’autres contestent la portée de cette mesure, qui ne permettrait pas de réduire le nombre d’élus et institutionnaliserait en revanche le cumul des mandats. Enfin, selon la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes, l’élection des futurs conseillers territoriaux devrait se traduire par un recul historique de la parité. La présidente de la Délégation aux droits des femmes conteste ici le mode scrutin retenu (scrutin uninominal majoritaire à deux tours) qui, par nature, ne favorise pas l’accès des femmes aux mandats électoraux. S’agissant du mode de scrutin, certains élus centristes y voient un recul de la démocratie locale, compte tenu de l’abandon de la dose de proportionnelle initialement prévue et de l’adoption du seuil de 12,5% des inscrits pour la qualification au second tour.

Concernant la refonte de l’intercommunalité, le processus envisagé est perçu par certains élus comme un « recul de la décentralisation. », compte tenu des pouvoirs reconnus au préfet dans ce cadre. Sont ici visées les dispositions qui attribuent au préfet des pouvoirs renforcés à partir du 1er janvier 2013, lui permettant notamment de passer outre les délibérations de la Commission départementale de coopération intercommunale, en cas de désaccord.

Outre ces dispositions, les conseils généraux et régionaux sont aujourd’hui préoccupés par le contexte financier dans lequel s’inscrit la réforme. En effet, les exceptions prévues pour le cumul des subventions départementales et régionales permettront, juridiquement, d’assurer le financement de domaines vitaux pour les communes. Cependant, les conseillers généraux et régionaux craignent de ne pas être à même, financièrement, de réaliser ces dépenses.

Les départements mettent notamment en avant l’augmentation de leurs dépenses, liée au dynamisme des trois allocations universelles de solidarité (Allocation personnalisée d’autonomie, revenu de solidarité active, prestation de compensation du handicap) qu’ils versent pour le compte de l’Etat, sans avoir de maîtrise sur elles.

Les régions évoquent l’imputation d’une bonne part de leur autonomie fiscale consécutive à la suppression de la taxe professionnelle. Elles ne maîtrisent plus désormais que la part modulable de la TIPP et la taxe sur les cartes grises, soit seulement 12% de leurs recettes.

Face à ce constat certains élus de gauche concluent que « l’étranglement » des budgets territoriaux et la perte d’autonomie fiscale des collectivités, conjugués à l’affaiblissement institutionnel des départements et régions inscrit dans la loi du 16 décembre 2010, « entraineront la reprise par le secteur privé de nombre de services assurés aujourd’hui par les collectivités locales ».

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Titulaire d'un Master administration de l'entreprise, d'une licence de droit public 
Lauréat des concours administratif de rédacteur territorial 2011 et d'attaché territorial 2012 et Inspecteur des finances publiques
  • Thomas Bonne Titulaire d'un Master administration de l'entreprise, d'une licence de droit public Lauréat des concours administratif de rédacteur territorial 2011 et d'attaché territorial 2012 et Inspecteur des finances publiques

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